Vous courez, vous avez mal dans la fesse et ça descend dans la jambe. On vous parle de sciatique. Attention, il ne s’agit pas d’une blessure banale ! C’est peut-être une « sciatique du pyramidal » et son traitement est bien particulier.

Fausse sciatique - SanteSportMagazine 31 - Illustration Mathieu Pinet                               anatomy, muscles

Le nerf sciatique sort du bas de la colonne vertébrale et se dirige vers l’arrière, dans le membre inférieur. Il recueille les sensations provenant de ce territoire et véhicule les ordres de contractions aux muscles de ce secteur. Entre les vertèbres, il existe un amortisseur anatomique : le disque. Il est constitué de fibres circulaires, un peu comme un bulbe d’oignon, ceinturant une substance gélatineuse. À force de contraintes, il arrive que celui-ci s’aplatisse et bave en arrière, c’est la « protrusion discale ». Parfois, il se déchire et la matière visqueuse gicle en arrière : c’est la « hernie discale ». Ces deux lésions banales et fréquentes peuvent toucher le nerf sciatique. Il devient alors douloureux sur tout ou partie de son trajet ! Mais plus rarement, il est comprimé par un muscle de la fesse : le pyramidal ! Ce petit muscle part du sacrum, l’os en cône situé à la base de la colonne vertébrale et qui s’encastre dans le bassin. Il rejoint le haut du fémur, l’os de la cuisse. Ainsi, il contribue à stabiliser et à contrôler la position de l’articulation dite « sacro-iliaque ». Quand il se contracte, il fait aussi tourner le membre inférieur et le pied vers l’extérieur. La sciatique du pyramidal est classique chez le coureur… et soigner le disque intervertébral ne sert à rien !

POURQUOI SOUFFREZ-VOUS DU PYRAMIDAL ?

Cette blessure provient de l’association entre des particularités anatomiques et un surmenage mécanique. Chez 90 % des individus, le nerf sciatique passe au-dessus du muscle pyramidal. Dans les autres cas, il le traverse et devient donc beaucoup plus sensible à une compression musculaire. Le plus souvent, cette dernière est provoquée par une augmentation de volume consécutive à son renforcement par hypersollicitation. Parfois, elle est induite par une mise en tension excessive suite à l’imperfection de votre foulée. Dans ces conditions, le coincement du nerf peut être aggravé par une contracture de votre pyramidal résultant de son épuisement. Plus rarement, c’est une cicatrice fibreuse après claquage musculaire qui pince le nerf sciatique.

Chez le coureur, de nombreuses circonstances favorisent un surmenage du pyramidal. Ainsi une inégalité de longueur des membres inférieurs cisaille l’articulation sacro-iliaque et provoque une bascule du bassin autour des hanches. Le pyramidal est alors particulièrement sollicité pour stabiliser ces deux articulations. Un dos très cambré éloigne le sacrum du fémur. Cette fois, votre pyramidal est mis en traction. Si vous courez en tirant sur vos bras, vous faites beaucoup tourner votre bassin, vos hanches doivent pivoter en sens inverse pour que vos pieds restent dans l’axe de votre déplacement. Votre pyramidal travaille beaucoup pour contrôler ces compensations. Si vous êtes pronateur, vos appuis manquent de tonicité, votre voûte plantaire s’écrase et votre membre inférieur pivote à l’extérieur. Pour compenser, l’attaque antérieure de votre foulée se fait en rotation interne. Vous tirez sur votre pyramidal. À l’inverse, si vous êtes supinateur, votre jambe reste en rotation interne, lors de la poussée postérieure. Là encore, votre pyramidal est mis en traction. Pour créer un syndrome du pyramidal, ces petits défauts peuvent s’accumuler. Mais pour provoquer cette blessure, il faut surtout ajouter une augmentation trop rapide de votre kilométrage hebdomadaire, un excès de fractionnés, trop de parcours en dévers et sur terrain glissant ou tout autre forme d’entraînement inadapté !

AVEZ-VOUS UNE SCIATIQUE DU PYRAMIDAL ?

Si vos disques sont responsables de votre sciatique, vous avez mal quand vous bougez votre colonne vertébrale, en vous penchant en avant ou en soulevant une charge. Vous souffrez aussi si vous toussez. En cas de « sciatique du pyramidal », vous avez surtout mal quand vous courez. Au fil des kilomètres, vous sentez votre fesse se contracter et votre douleur descend dans la cuisse ou même dans le mollet. Parfois vous êtes gêné dans la vie quotidienne lorsque vous écrasez votre muscle, en restant assis longtemps sur un siège dur. En vous examinant, votre médecin du sport ne retrouve pas de douleur quand il appuie sur vos vertèbres ou quand il mobilise votre colonne. En revanche, il vous fait mal en palpant les muscles fessiers. Souvent, il déclenche une décharge quand il appuie à l’endroit où le nerf est comprimé, juste au milieu du pyramidal, à mi-chemin entre le sacrum et le haut du fémur. En y regardant de plus près, il constate souvent que du côté douloureux votre pied tourne plus vers l’extérieur. Cet indice caractérise une contracture du muscle pyramidal qui coince le nerf sciatique. L’étirement de ce muscle consiste à ramener le genou vers votre poitrine. Cette manoeuvre fait mal. La douleur s’accentue quand votre médecin vous demande de vous opposer au mouvement en contractant votre pyramidal.

AUCUN EXAMEN NE PEUT DÉCELER LA COMPRESSION DU NERF

L’IRM du bas de la colonne permet d’éliminer une hernie discale. Mais prudence, la découverte d’une telle lésion peut être trompeuse. Elle est fréquente et pas systématiquement douloureuse. Du coup, sa présence n’explique pas toujours la sciatique et n’exclut pas l’authentique syndrome du pyramidal. La situation se complique car il existe des phénomènes de « sommation ». La compression de la racine nerveuse peut se faire à deux niveaux, au contact du disque et dans le pyramidal. L’IRM de bassin visualise parfois le trajet anormal du nerf, au milieu du muscle pyramidal. Plus rarement, elle montre une cicatrice de claquage. La radiographie de bassin permet d’exclure une usure de la hanche qui parfois provoque des douleurs de fesse. L’examen le plus déterminant est l’électromyogramme ou EMG. Il analyse la conduction électrique dans le nerf et contribue efficacement à localiser le siège de la compression. Si une hernie appuie sur le nerf sciatique, dans la colonne, il souffre sur toute sa hauteur. Si le coincement se fait plus bas, dans le pyramidal, la branche nerveuse menant au muscle fessier a déjà quitté le tronc nerveux principal et l’EMG constate que ce dernier se contracte normalement.

COMMENT SOIGNER VOTRE SYNDROME DU PYRAMIDAL ?

Tentez déjà de modifier votre d’entraînement. Revenez à un kilométrage plus raisonnable, réduisez la piste, les dévers et les sols instables. Ce n’est pas forcément suffisant mais c’est toujours nécessaire. Limitez un peu la rotation de vos épaules en courant, stabilisez votre buste, faites du gainage. N’oubliez pas de faire quelques étirements doux du pyramidal. Ces derniers visent à relâcher la contracture de fatigue et à assouplir un pyramidal devenu un peu fibreux. Attention, pratiqués avec excès, ils reproduisent l’une des contraintes traumatisantes. Ils finissent par provoquer de petits claquages ou pincer le nerf. Ils ne tardent pas à aggraver vos douleurs. Votre kinésithérapeute peut vous aider à doser votre stretching. Il pratique aussi d’autres techniques favorisant le relâchement et l’assouplissement musculaire. Il s’agit notamment du fameux MTP ou « massage transversal profond » qui consiste à frotter énergiquement votre pyramidal. Pour atteindre ce muscle profond, votre kiné doit écraser son coude dans vos fessiers. Ça fait mal mais en réaction, votre muscle se détend. L’ostéopathie s’avère fréquemment contributive. Les manipulations de la sacro-iliaque redonnent à cette articulation une meilleure mobilité, réduisant d’autant les tensions sur le pyramidal. Votre médecin du sport vous prescrira peut-être des semelles correctrices qui seront réalisées par un podologue. Elles sont souvent utiles pour harmoniser votre foulée et contrôler les rotations de vos hanches.

Elles sont aussi indiquées pour compenser partiellement une bascule du bassin provoquée par une importante inégalité de longueur de vos membres inférieurs. Si ces traitements peu agressifs ne sont pas efficaces, il est possible d’envisager une infiltration de corticoïdes à proximité de la zone de coincement. Cette substance anti-inflammatoire réduit l’oedème ou la fibrose du muscle ainsi que le gonflement du nerf. Ce dernier coulisse alors plus aisément et les douleurs s’estompent. Ce geste thérapeutique n’est pas évident : le pyramidal est profond, le nerf sciatique est à côté et il ne faut pas le piquer ! De fait, cette injection est habituellement pratiquée par des radiologues, sous scanner ou sous échographie. En cas d’échec, la même technique est utilisée pour injecter de la toxine botulique. Cette substance est connue pour contaminer les conserves mal stérilisées et paralyser ceux qui l’ingèrent. Elle est désormais administrée à dose minime autour des muscles que l’on souhaite décontracter. On l’emploie ainsi pour lutter contre les rides… et soigner le syndrome du pyramidal. Les résultats sont intéressants, la contracture cède rapidement. Mais pour éviter la récidive, les autres pistes thérapeutiques restent de mise. Exceptionnellement, une opération peut être indiquée. Elle consiste à couper les fibres du pyramidal autour du nerf sciatique. Les études mentionnent environ 75 % de bons résultats.